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Nous sommes en Mai…je ne peux, ne serait-ce que par respect et mémoire de tous ceux qui ont versé leur sang pour la conquête de droits et de dignité pour la population ouvrière, écrire une ligne sans évoquer le 1er Mai !
Ne jamais oublier que les « journées du 1er Mai », dans le monde entier, sont d’abord  (même si beaucoup l’oublient aujourd’hui) une journée « d’union » de tous les prolétaires revendiquant leur émancipation, la justice sociale et la fin de l’exploitation capitaliste.
Quel lien avec la laïcité ?
Loin d’être une « fête populaire », cette journée symbolise historiquement une journée de « lutte de classe » (et non pas une journée de fraternité de classes…), une communion (ce n’est pas un jeu de mot !) des esprits, une sublimation de l’aspect moral d’un monde solidaire idéal et surtout « librement choisi ».
D’où l’incompréhension et l’hostilité clairement proclamée dans les milieux confessionnels, y compris même au sein des syndicats chrétiens (qui préfèreront choisir le jour de l’Ascension comme Fête du Travail jusqu’en 1951… mais ce n’est pas le sujet du jour) érigés en institutions  inspirées par une doctrine sociale défendant le principe d’une conduite morale dirigée et corporatiste.
L’histoire du 1er Mai est, comme celle de la Laïcité, de la République, une vision de l’Homme qui se constitue peu à peu, tout au long du cheminement d’une pensée qui ambitionne d’affirmer la souveraineté de la conscience individuelle !
Et il ne saurait y avoir à mon sens de laïcité et de République s’il n’y a pas cette reconnaissance explicite des capacités et des droits de l’individu. C’est en ce sens, et quel que soit le rapport à un dieu, à une vision religieuse du monde, que la « Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen » est un texte laïque : elle permet à chacun une manière laïque de vivre, en foi religieuse ou pas.
Cela ne surprendra personne : je crois que le principal adversaire de la laïcité, c’est le cléricalisme, qui abandonne tout principe de libre réflexion personnelle pour ne plus être qu’un instrument au service d’une pensée close.
Mais pour autant, la laïcité ne peut se limiter à une sclérosante neutralité : être neutre conduit à ne parler de rien !  Comme disait Ernest Lavisse, être laïque, ce n’est point interdire le rêve et la recherche de Dieu, c’est d’avoir trois vertus : la charité, c’est-à-dire l’amour des Hommes, l’espérance, c’est-à-dire le sentiment bienfaisant qu’un jour, dans la postérité lointaine, se réaliseront les rêves de paix et de bonheur, et la foi, c’est-à-dire la volonté de croire à la victorieuse unité de l’effort humain.
Il s’agit donc d’exercer son esprit critique dans tous les domaines, de refuser l’existence de domaines « réservés », étrangers à l’enquête menée par la raison humaine…tel l’enseignant qui, dans sa classe, ne doit pas être le sergent recruteur d’un idéologie, qui doit former les esprits sans les conformer, les enrichir sans les endoctriner.
J’évoquais la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen. Tentons de comprendre l’histoire : le 21 janvier 1793, la guillotine a tranché une vie… mais aussi les liens qui faisaient du souverain absolu, l’oint du Seigneur, le roi  de droit divin, héritier d’une longue lignée séculaire. L’acte sacrilège a vidé l’institution de tout contenu religieux, et ce vide n’est comblé que par l’adhésion individuelle de chaque citoyen libre de se déterminer et légitimant par son adhésion la République (l’adhésion du citoyen étant la seule source de légitimité de la République).
Et la laïcité est donc consubstantielle à l’idée même de la République (dans le modèle français). Elle l’est aussi parce que  le citoyen électeur qui légitime la république doit être (gratuitement pour être égalitaire) instruit pour que son vote soit vertueux, accompli en pleine connaissance de cause et dans une liberté souveraine de conscience. De là le rôle décisif de l’école de la République, école qui doit donc échapper à tout présupposé, être laïque pour former la conscience permettant de se déterminer librement et individuellement.
Proposer un autre modèle, c’est remettre en cause le fondement de l’idée républicaine, et en perspective remettre en cause la notion de citoyen pour la remplacer par une autre conception de la collectivité, qui serait par exemple composée de communautés d’individus, chacune ayant ses propres valeurs, et coexistant sans doute dans un consensus institutionnel caractérisé au mieux par l’indifférence.
Machiavel disait:  On ne peut clairement déterminer qu’elle est l’espèce d’hommes la plus nuisible dans une République : ceux qui désirent acquérir ce qu’ils ne possèdent pas, ou ceux qui veulent seulement conserver les honneurs qu’ils ont déjà obtenu ?

La Laïcité et la république sont de trop belles et intelligentes idées, fruits de la raison et de la lucidité, pour qu’on les laisse, sans rien faire, remettre en cause, altérer pour de sombres et  intolérantes causes, politiques et/ou religieuses.

Comme d’habitude, les considérations et exposées sont miennes et parfaitement opposables !
J.CF