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Pour cette page de Juin (la dernière avant les vacances !), je propose de nous intéresser à la question du rapport entre la laïcité et l’Islam.
En effet, si l’Europe est un défi pour la laïcité française, la présence de l’Islam, qui a fait irruption dans le contexte français dans les années 70,  semble bien constituer pour elle un « défi intérieur ».
Il y a sans doute plusieurs raisons : d’abord liée à notre histoire coloniale qui nourrit toujours une forme larvée de racisme. Ensuite les musulmans représentent une collectivité importante (mais néanmoins largement minoritaire), relativement récente, et qui se divise en deux catégories : les uns restent étrangers et veulent un jour regagner leur pays, les autres sont installés définitivement. Enfin, la religion étant « importée », apparait comme une religion étrangère, d’autant qu’elle est sans hiérarchie ni chef spirituel, constituée de communautés décentralisées, tantôt modernistes, tantôt conservatrices.
Il y a à première vue incompatibilité entre islam et laïcité car le monde musulman ignore la laïcité, d’où méfiance réciproque. Attitude négative car l’islam a un caractère global : il ne se contente pas de guider la vie personnelle et familiale mais entend aussi inspirer l’organisation sociale et politique (même s’il pourrait très bien adopter une attitude différente comme l’indiquent certains textes du Coran et des hadith…)
Le principe majeur de la Loi de 1905 : la séparation stricte entre l’Etat et les religions, pose problème à  l’islam car, s’il peut conserver sa dimension sociale, il ne peut influencer l’Etat (même si nos « ministres des cultes » depuis 1989 tentent de trouver des solutions de contournement, n’hésitant pas à entreprendre des démarches non conformes à la loi de 1905 !)
Pourtant l’islam n’est pas une église avec toute sa hiérarchie d’autorités religieuses comme le catholicisme… Ce qui  gêne l’islam, c’est la séparation de la sphère privée et de la sphère publique, la séparation entre le religieux et le politique.
Alors, laïcité et islam ou islam et laïcité, complainte récurrente qui proclame une opposition irréductible ? Rien n’est irréductible (à par la mort et les impôts) : souvenons-nous que la toute puissante Eglise catholique a bien fini par accepter (elle ne cesse néanmoins d’agir pour reconquérir les espaces perdus) les lois de 1905. Les juifs et les protestants ont fait de même, pourquoi  les musulmans ne suivraient-ils pas le même chemin ?
Le rejet des principes laïques  en fait se fonde sur une conception très minoritaire mais particulièrement médiatique et agissante des fondamentalistes islamiques, bardés de slogans réducteurs : l’islam est une religion qui englobe le spirituel et le temporel, à la fois loi, foi, religion et Etat.
C’est ainsi qu’en vertu de cette lecture très scolaire et rétrograde du Coran, sont exigés le port du foulard islamique, la séparation des sexes dans le sport, la nourriture halal, imposées de multiples interdictions, et promus excisions,  mariages forcés de mineures, lapidation des femmes adultères …. Il n’est donc pas étonnant que la proclamation de cette forme d’islam soit perçue comme une menace pour la laïcité et les principes de la République.
Que faire ? La seule réponse possible que je connaisse, parce que la laïcité est le principe constitutif fondamental de notre République, c’est l’application de la loi de 1905 qui garantit la libre expression des cultes et organise une stricte séparation des Eglises et de l’Etat, du public et du privé. C’est la garantie d’une non- discrimination absolue entre les croyants et les non croyants (ne les oublions pas) et de mise à égalité de tous les cultes reconnus par la loi, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs.
Il s’agit d’affirmer que c’est bien la séparation du politique et du religieux qui est le ferment de l’unité française et de la paix civile : les rapports des uns et des autres ne doivent pas être déterminés sur la base du Sacré mais sur la base des lois qui garantissent les droits de tous.
La laïcité sera ainsi un facteur d’égalité entre les musulmans et les autres.
Sans doute l’école (publique bien sûr) sera-t-elle le meilleur vecteur d’apprentissage des principes de la laïcité,  de la liberté de conscience, de neutralité, d’égalité, de notre République.
A ce propos, il n’est pas certain que la position du Conseil d’Etat : à l’école, « laïcité- neutre » et non « laïcité- séparation » permettant la liberté de manifester sa religion à l’école en portant des signes particuliers, mais sans porter atteinte à la dignité et/ou à la liberté, soit de nature à faciliter le droit de chacun de vivre en toute sérénité dans une société de progrès au service de l’Homme !
La neutralité ,expression d’une volonté d’attention bienveillante ( après la phase de construction de la séparation structurelle des Eglises et de l’Etat) à la pluralité des expressions dans le respect de l’intérêt général, ne peut faire abstraction du fait que la laïcité ne peut être garante de la diversité culturelle qu’à la condition que les prescriptions religieuses respectent les lois démocratiques et le libre consentement de la personne, les principes d’égalité homme/femme et de non- discrimination.
Et puis, toute entorse à la loi de 1905 encourage les religions à revendiquer des dispositions correspondant à leurs cultes y compris pour les imposer à d’autres groupes. Pour exemple : les horaires réservés dans les piscines, les examens médicaux, les menus des cantines scolaires, etc…
Redisons encore que les fondamentalistes islamiques sont une minorité…
Souvenons- nous aussi que l’imagination de la démocratie semble toujours illusoire lorsqu’on ne l’a jamais connue. Et que le plus grand obstacle à la liberté est celui de la servitude…
Pour aider l’Autre et progresser, pour ne pas nous faire voler la laïcité, posons nous d’abord les bonnes questions.
Je propose de terminer cette réflexion par ce mot d’Etienne de la Boetie : «  comment il peut se faire que tant d’hommes…tant de villes, tant de nations endurent quelques fois un tyran seul, qui n’a la puissance que celle qu’ils lui donnent, qui n’a  pouvoir de leur  nuire sinon qu’ils ont vouloir de l’endurer… ; Sinon qu’ils aiment mieux le souffrir que de le contredire…soyez résolus de ne servir plus et vous voilà libres ! »

Comme toujours, les considérations et exposées sont miennes et parfaitement opposables !
JCF

T_Ou.jpegTareq OUBROU "ce que vous ne savez pas sur l'Islam" (Fayard) a tenu une conférence à la médiathèque de PAU le vendredi 26 mai. Il mérite d'être écouté. (NDLR)