Il est vrai que le 1er Juillet 2016 n’est pas une date comme les autres :

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Condamné à mort par un tribunal inique, le Chevalier de La Barre fut torturé et décapité le 1er Juillet 1766, à 19 ans, pour «  ne pas avoir salué une procession » !
Comme cette « affaire » contribua à la situation révolutionnaire de 1789  empreinte d’un engagement franchement anti-religieux des sans-culottes, et nourrit l’anticléricalisme, je me fais un plaisir de vous la conter…
A  cette époque, la France connait une série de revers militaires et des oppositions intérieures fortes. Le « parti des philosophes », l’Esprit des Lumières rayonne, depuis 10 ans, le travail d’édition de l’Encyclopédie est entamé… L’aile janséniste, dirigée contre les huguenots, est très influente. Elle obtient même l’expulsion des jésuites en 1766 et organise la chasse aux « Hommes des Lumières…
C’est dans ce contexte que se succèdent les crimes judiciaires. Les victimes sont des Protestants ou des Libertins.
En 1765, le Chevalier François Jean de La Barre a 19 ans. Il n’est pas insensible à l’esprit des Lumières, il lit Voltaire. Certains le considèrent comme vaguement libertin. Né d’une famille qui ne manquait pas d’éclat, mais qui, au milieu du XVIII° siècle était tombée dans le dénuement, l’enfant, orphelin de bonne heure, fut recueilli par sa cousine Mme Feydeau, abbesse de l’abbaye de Willancourt à Abbeville. Celle-ci se montrait plus « grande dame » que religieuse, aimait le monde et recevait volontiers, le laissa se lier avec tout ce qu’Abbeville comptait de libertins, bien plus « libre-viveurs » que libre-penseurs.
Au matin du 9 Aout 1765, une découverte dans la Cité provoqua une singulière émotion : la mutilation du crucifix  de bois du Pont Neuf d’Abbeville ! (en fait, deux entailles). Un mois plus tard, une cérémonie expiatoire, présidée par l’Evêque d’Amiens réunissait tout le peuple dans une amende honorable, cependant que se poursuivait l’instruction criminelle contre les auteurs toujours inconnus de « l’attentat ».
Comme des histoires ( on parlait de profanations d’hosties et de crucifix de plâtre, nombreux blasphèmes, chansons impies, etc…) couraient sur le compte du Chevalier de La Barre et de ses amis Gaillard d’Etallonde, autre fanfaron de l’anticléricalisme bon marché, et le petit Moisnel, enfant timide et influençable, et qu’on avait « bien vu » passer les trois compères devant une procession sans se découvrir : leur impiété était manifeste !
Pour les détenteurs de la force, pour les esprits étroits et velléitaires, ils méritaient d’être punis, et puisque l’on ne pouvait connaître avec certitude les auteurs de la mutilation du crucifix, on allait chercher un dérivatif dans une information nouvelle : une « ordonnance de prise de corps » des trois amis.
D’Etazllonde parvint à s’enfuir, Moisnel fut vite saisi, et La Barre ne tarda pas à être attrapé.
La procédure commença le 10 Aout 1765 pour se clôturer le 28 Février 1766 par le jugement de condamnation de Gaillard d’Etallonde (par contumace) et du Chevalier de La Barre. De toute l’instruction, un point essentiel est à retenir : la jonction de la procédure du sacrilège du Pont Neuf et celle des impiétés reprochées à La Barre et ses complices. D’Etallonde fut seul convaincu du crime de sacrilège du Pont Neuf, mais ses co-inculpés en supportèrent tout autant la peine prévue : la langue coupée, les mains coupées,  puis décapitation et corps brulé ! (Plus tard, Moisnel ( 15 ans) fut considéré trop jeune pour être inquiété et reçu juste une amende).
4 chefs d’accusation sont retenus :
-    Mutilation d’un crucifix (même si le fait fut toujours nié par La Barre et non prouvé)
-    Avoir chanté des chansons impies
-    Ne pas s’être découvert et agenouillé devant le Saint Sacrement
-    Avoir possédé le dictionnaire philosophique de Voltaire (trouvé dans sa chambre) !
Notons (quand même) que, conscient de l’émoi général soulevé par cette horrible condamnation, l’Evêque d’Amiens fit alors repentance et intervint auprès du Roi pour obtenir la grâce du condamné. Mais c’était trop tard…et puis, on ne badine pas avec la religion dans un Etat fondé sur l’alliance du Trône et de l’Autel !
Le 1er Juillet 1766, le Chevalier de La Barre subissait à Abbeville son supplice et sa mise à mort. Soumis dès 5 h du matin à la question « ordinaire » et « extraordinaire », le chevalier fut conduit à 5 h du soir devant l’Eglise St Wulfran où il dut faire amende honorable et ensuite sur la place du marché au blé ou il fut décapité. A 6h30 on brula son corps et on jeta sur le bûcher le dictionnaire philosophique de Voltaire. Les cendres furent jetées au vent.
Retenons qu’il sut « bien » mourir, avec un noble courage et une souriante élégance. Il fut victime d’une véritable infamie, au nom de la religion. Pourtant il ne menait aucun combat contre elle, il n’avait ni conviction, ni idéal, il avait juste l’insouciance et la joie de vivre d’un jeune de 20 ans !
C’était au lendemain de la suppression des jésuites et au cours même de la lutte avec les assemblées du clergé, à un moment où le parlement français accentuait son hostilité à l’encontre de l’Episcopat, mais éprouvait, dans une France toujours chrétienne, le besoin d’affirmer son zèle pour la religion par des sentences contre l’impiété.
Ainsi donc, sa grâce et sa réhabilitation furent rejetées sous la monarchie. C’est la Convention qui le réhabilita le 25 Brumaire An II (15 Novembre 1793).
Fanatisme et haine sont deux fléaux de l’humanité qui ne trouveront jamais de repos tant que l’intolérance vivra !

PS : une statue du Chevalier de La Barre fut érigée devant le Sacré Cœur, la basilique infâme, à Paris en 1905 par la Libre Pensée et en présence de nombreux francs Maçons, déplacée square Nadar en 1927, et fondue en 1941 par les Allemands avec la bénédiction de Pétain !

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Une nouvelle statue a été installée sur la colline de Montmartre à paris en Février 2001.

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Voies et places à la mémoire du Chevaliet de La Barre :

http://www.laicite1905.com/voies.htm