L’onde de choc

Il y a eu une déflagration, suivie comme toujours par le silence tendu et oppressant de la sidération. Puis, sont venues analyses pertinentes, foutraques ou péremptoires. Les chaînes d’info en continu ont alors déclaré leur amour immodéré pour le nouveau prince. Que s’était-il donc passé ? Notre pays avait-il été saisi par l’ivresse des sommets ? D’autres étaient sous le choc. Pensez, un jeune président sorti des limbes d’une société que l’on prétend encore « civile », était élu par plus de 60 % des électeurs ! On oubliait, encore, ceux qui s’étaient abstenus ou choisi le « blanc cassé »… On les a toujours oubliés, depuis l’élection de De Gaulle, en 1965. Comment remettre en cause la sanction démocratique d’une élection présidentielle ? Le leader de la « France Insoumise » en a contesté la validité. L’insoumis, il est vrai, a une tendance naturelle à soumettre ses partenaires et adversaires. Il souhaitait dompter aussi le jeune fauve nouvellement élu. « Ce n’est que partie remise », pense-t-il, sans doute, aujourd’hui. Or, l’onde de choc a été telle qu’elle a pulvérisé une vie politique qui est depuis avril 2002 à bout de souffle. La Vème République, quoi qu’en disent les souverainistes de tout poil, connaît ses derniers instants. Demain, les urnes provoqueront-elles une nouvelle déflagration ? Tout est désormais possible. Je crains néanmoins les méfaits d’une « chambre introuvable ». Comme celle de juin 1968… Un parlement sans opposition véritable deviendrait une chambre d’enregistrement. Un psychodrame démocratique et, vite, une « pantalonada » digne de notre fantasque et turbulent « Carnaval bearnés » !

P.S. J’ai relu « L’Eau mate », de Bernard Manciet (1). Ce livre majeur sera présenté le 14 juin, à 18 h, à la librairie paloise L’Escampette. Une prose poétique menacée, végétale, froide où l’homme traqué se voit plongé dans une nature où il essaie de survivre et même de vivre, de s’oublier. Une œuvre magistrale en écho à « Un hiver » (bilingue oc-fr) : « Des étoiles s’y exaspéraient, fusaient en jubilant, mortes, d’épais oiseaux y flambaient, rapides et morts. »

1. Éditions L’Escampette, juin 2017.

SJ