Avril 1989 à Pékin : «  Le printemps chinois »

Les plus anciens se souviennent certainement  de cette image saisissante, qui a fait le tour du monde, d’un homme seul arrêtant une colonne de chars.
Elle symbolise ce désir de liberté de millions d’individus écrasés depuis une quarantaine d’années par la dictature maoïste.

Le 15 Avril 1989, Hu Yao Bang, secrétaire général du parti communiste chinois, limogé en 1987 pour « réformisme », meurt. Deux jours plus tard, des étudiants pékinois manifestent en son souvenir et réclament sa réhabilitation posthume. Le 19, ils se retrouvent devant le siège du PC d’où ils sont violemment dispersés par la police. Ils se déplacent alors vers la place Tien An Men qu’ils occupent.

Le 25 Avril, les étudiants fondent une organisation indépendante, alors que le PC parle de « complot contre le parti communiste et le système socialiste » ; les manifestations reprennent, et le 4 Mai, plus de 300 000 étudiants défilent à Pékin et dans d’autres grandes villes.

Le lendemain, Zhao Ziyang, secrétaire général du PC accepte de négocier. Rien n’y fait, et une semaine plus tard, les étudiants débutent une grève de la faim à Tien An Men.

Le 15 Mai, les manifestants profitent de la venue de Mickhail Gorbatchev et des télévisions étrangères pour se faire entendre. Trois jours plus tard, ils sont un million sur la grande place, demandant la mise ç la retraite du vieux Deng Xiao-ping et la démission du premier ministre Li Peng.

Des tensions se font alors jour au sein de la direction communiste entre réformateurs et conservateurs. Zhao Ziyang vient parler aux grévistes de la faim, mais le lendemain, Li Peng proclame sans prévenir la Loi martiale et évince le secrétaire général !

Aussitôt les pékinois se massent aux portes de la ville pour empêcher l’entrée de 300 000 soldats.
Les millions de manifestants demandent la liberté d’expression, l’indépendance syndicale, le droit de contrôler les dirigeants, la lutte contre la corruption des cadres. C’est dans ce mouvement qu’apparait la Fédération autonome des syndicats de Pékin.

Mais, le 25 Mai, l’armée se rallie aux conservateurs. Pendant ce temps, les étudiants construisent  la fameuse « déesse de la démocratie » (statue érigée par les élèves des Beaux Arts de Pékin)  au centre de la place Tien An Men. Finalement, le 04 juin à 2h du matin, le 27ème corps d’armée pénètre sur la place, la « nettoyant » par la mitraille : on parlera de plus de 1300 morts.

Après ce véritable massacre, des millions de manifestants envahissent les grandes villes de province. Les démocraties occidentales condamnent. Les autres pays de l’Est se taisent, la RDA et Cuba approuvent…
La chape de plomb retombe alors sur l’Empire du milieu. A partir du 10 juin, plus de 100 000 chinois sont arrêtés. L’astrophysicien Fang Lizhi, le Sakharov chinois doit se réfugier à l’ambassade américaine où il vivra cloîtré pendant un an.

Une dizaine de contre-révolutionnaires seront exécutés après un jugement sommaire.
Les occidentaux prennent quelques sanctions, mais devant l’énormité du marché économique chinois, ils se taisent vite.  En effet, les massacreurs de Tien An Men viennent tout juste d’inventer le « capitalismo-communisme », en clair : l’ouverture du pays à l’économie de marché, sans démocratie, et pour le compte de la seule nomenklatura !

Ainsi, les 1,2 milliard de chinois de cette époque n’ont vécu que deux mois le « printemps de Pékin ». Pour  eux, et encore aujourd’hui, la Liberté est un rêve, tout comme pour des centaines de millions de travailleurs  du Tiers monde, qui n’ont que le droit de courber l’échine pour quelques miettes. Des « esclaves » modernes, utilisés par les grands spécialistes des délocalisations, qui se recrutent des Philippines à la Malaisie, en passant par l’Inde,  le Pakistan, le Moyen- Orient, l’Afrique dans sa quasi-totalité, et une partie de l’Amérique latine. Hommes, femmes et enfants triment, et dès qu’ils osent relever la tête, ils sont assassinés individuellement ou collectivement.

Accidents de l’Histoire ? Certainement pas. Ce qui se passe dans le monde ne peut ni ne doit nous laisser indifférents !

JC.F