La Saga de Star War, un conte initiatique ?

Pourquoi parler de Star War en maçonnerie ? Ce n’est assurément pas sérieux !
Et, pourquoi pas ? Ne sommes nous pas sensés réfléchir au monde qui nous entoure, dont les phénomènes culturels.
Les chansonnettes en disent parfois, beaucoup, sur une époque, la littérature aussi. Or le cinéma est l’art du 20° siècle, nouveau moyen d’expression, inconnu avant. (1)
Le succès planétaire de la saga de Georges Lucas pourrait s’expliquer par l’air du temps, ou parce que nous projetons l’enfant qui sommeille en nous sur un récit sur grand écran.  
Facile et un peu court, pour contenir cet engouement universel.
Il est vrai que certains d’entre nous peinent à s’ouvrir au « jeux d’enfants » auquel les alchimiste nous invitent. Dommage !

Souvenons nous de la préface du Petit Prince :

« Je demande pardon aux enfants d’avoir dédié ce livre à une grande personne». Aussi Saint  Exupéry se reprend-il à la fin, « Je corrige donc ma dédicace.
À Léon Werth quand il était petit garçon. »

Georges Lucas n’a pas évoqué autant de mythes « à l’insu de son plein gré ». Toute une série d’indice devraient nous alerter.
En effet voici un récit qui est composé de 6 épisodes, sur une période qui va de 1977 à 2005 : 28 ans, en deux périodes de  6 ans chacune, donc deux trilogies successives.
Et le public est toujours là.
Je veux bien considérer ces deux périodes de 6 ans comme fortuite, (quoi que) mais pas l’utilisation du nombre 6 considéré comme « abondant » par l’école pythagoricienne. D’autant que le récit, ne suit pas l’ordre chronologique, et se développe comme une frise en rinceaux qui nous dépose et nous reprends a chaque vague.
D’autres éléments doivent nous alerter.
Une évidente référence à l’Odyssée et à l’antiquité grecque.
Une parabole sur l’effondrement des républiques face à la montée du nazisme.
Le totalitarisme noir, blanc, rouge, uniforme, sera vaincu par une coalition de la diversité galactique, mais aussi la machine sera vaincu par l’intelligence.
Une utilisation de la langue des oiseaux (en anglais,  en grec, en néerlandais, mais aussi dans l’adaptation française, en français)
Une utilisation de symboles, pour signer des objets, en particulier les aéronefs.
Ainsi que la citation de nombreux héros antiques, ou moderne de Faust ou cow-boy, normal pour un américain, mais aussi le bouffon du roi.
 
Nous ne pourrons pas dans l’espace d’une planche envisager l’ensemble des aspects et citations que brasse la Saga. Ce serait beaucoup trop long.

Nous, nous limiterons à deux sujets : l’utilisation des mythes antiques (essentiellement grecs) et de la langue des oiseaux parce ces deux thèmes sont liés.

Un conte et une tragédie antique, sur le thème du voyage du héros :

La structure d’un conte s’établit sur trois piliers :

Acte de liberté
Quête des valeurs collectives
Rétablissement du contrat social

Nous retrouvons cette structure, mais avec une innovation. Il n’y a pas un seul héros mais des héros, et ces héros sont des couples. Deux couples de héros.
Des jumeaux : Leia & Luke
Un père et son fils : Anakin & Luke, avec pour corser le tout, Padmé (qui n’est pas un personnage secondaire) mère de Leia et de Luke est l’épouse d’Anakin
C’est donc les jumeaux qui vont devoir affronter leur père et meurtrier de leur mère, sans le savoir au départ, ni connaître leur gémellité. Tous les ingrédients d’une tragédie grecque.

Ce qui unit tous ces personnages c’est classiquement la lutte entre le bien et le mal.
Nous noterons, d’emblé deux autres références dans et hors antiquité : explicitement  l’épée Excalibur et l’enfer (de manière plus complexe). Nous ne ferons que l’effleurer.

Le Voyage du Héros :

Nous devrions dire le voyage des héros puisque Luke et son double Leia accomplissent deux voyages à la fois singulier et commun.
Alors qu’Ulysse se déplaçait d’iles en iles dans la Méditerranée, le monde s’élargit aux planètes et à la galaxie.
Comme tous les héros classique Luke va d’abord hésiter avant qu’un événement tragique ne le fasse basculer.
Le personnage évolue au fil des péripéties, son rôle devient alors déterminent. L’affrontement  de Luke avec Dark Vador, son père, rappelle celui de Zeus avec son père (Cronos) et du père de Zeus avec son propre père (Ouranos). D’autant que les protagonistes se battent a coup d’éclairs.
Comme dans beaucoup de mythe le héros, Luke, en sort mutilé, a l’instar de beaucoup de héros boiteux. Lui, y perd sa main droite.
Mais Lucas, en analogie inverse d’avec la Bible, rompt la malédiction (qui fait porter la faute des pères sur 5 générations).
Lors de son second affrontement avec Dark Vador, il lui infligera la même mutilation en sauvant la vie et l’âme de son père, fidèle en cela à la philosophie Jedi.
Comme Mentor, qui veille sur Télémaque dans l’odyssée, Chiron sur Achille, les héros ont besoin d’enseignement de maîtres. Ce sont les Jedis.
Ils n’en sont pas moins étranges que Chiron à l’instar de maître Ioda.
Ce mot, jedi, est emprunté à un vocable japonais qui signifie «  œuvre historique » et qui englobe les récits de samouraï.
Le jedi, un samouraï pour la maitrise des arts martiaux, avec quelque chose des jésuites comme gardien de la foi (en la Force) et des druides pour la philosophie.
Ils cultivent, a force d’ascèse, « La Force » qui suivant certaines civilisations pourrait ce décliner en foi en dieu.
Mais c’est autre chose, un principe, qui nous dépasserait, plus proche du Ki japonais (« souffle-énergie-esprit-sentiment-sensation ») ou de l’esprit-énergie chamanique, (une métis grecque ? en plus spiritualiste ?).
Ceci engendre une manière d’être au monde.
« La  Force » s’expérimente elle ne s’explique pas. Comme celui qui cherche l’illumination, le jedi doit la trouver seul.
Dans ce processus le maître doit disparaître ou mourir pour que jedi puisse le garder  vivant en lui.
La transmission prend traditionnellement la forme d’un objet, le plus souvent une épée. Ici le sabre laser !
Le héros n’a pas seulement besoin de maîtres il lui faut des aides et des compagnons. C’est une équipe hétéroclite et c’est précisément ce handicap qui lui permet de surmonter tous les défis.

Faisons entrer les femmes.

C’est une grande nouveauté. Car toutes ces femmes ne sont pas des princesses éplorées que le héros vient délivrer des griffes du dragon.
Elles tiennent toute leur place et offrent aussi des solutions. Tout le contraire de potiches.
Leia étranglera Jabba le Hutt, symbole du dragon, de ses propres mains, avec ces propres chaînes.
Padmé, sa mère fait le coup de feu, et porte, avec aisance, des tenues fastueuses. Elle vient de la planète Naboo euphonique de Nabû, nom de la divinité babylonienne de la sagesse et de l’écriture (2). Le sort de Padmé évoque celui de Didon de Carthage. Nous le verrons plus loin.
A l’instar d’Apollon et d’Artémis, Luke et Leia forment une divinité jumelle qui viennent rétablir l’ordre dans la galaxie et restaurer la république.
Leia est elle aussi un jedi qui accomplit son propre voyage.
Dans la mythologie grecque le héros doit affronter des montres et nos héros n’y échappent pas. En particulier ils seront avalés plusieurs fois.
Une sorties des entrailles d’un monstre assez incommensurable, avec le vaisseau spatial «  Faucon Millénium » de Han Solo (littéralement, en anglais, faucon millénaire) est particulièrement homérique !
L’analogie avec notre VITRIOL est évidente. Le mal est une force monstrueuse qui pourrait avaler nos héros. Mais ceux ci sauront vaincre leur monstre intérieur là ou Ankin échouera.
Un dernier emprunt à la tragédie antique (mais je dois en oublier) : Le Cœur Antique. Il est représenté par robots R2D2 et C3PO qui commentent l’action et jouent à l’occasion le rôle du bouffon.

L’utilisation de la langue des oiseaux :

Cette pratique littéraire  permet de renforcer de manière subliminale le caractère des héros tout en fournissant une lecture à double sens ou à clef.  
Nous, nous bornerons aux plus emblématiques, en commençant par les forces du bien.

Leia Organa: fille de Padmé et Anakin. Elle I a, elle détient i, le principe, la force. C’est un peu une déesse mère ce que renforce son nom complet avec Organa. Elle est à la fois une  chasseresse et une amoureuse ayant un sacré culot.
 
Luke Skywalker : facile ! La lumière (Luc) qui marche dans le ciel. Jumeau de Leia. Il découvrira son potentiel (solaire) dans une descente aux enfers qui lui permettra de détruire (momentanément) la lune noire, arme monstrueuse de l’empire. Cette action sera fondatrice.
 
Han Solo : le solitaire. Il pense d’abord à lui comme bien des héros de western. Mais il est intrinsèquement bon. Il est guerrier et amant.

Padmé Amidala : Mère des jumeaux. Nous savons qu’elle vient de la planète Naboo, planète luxuriante aux air de Venise et de lac Majeur. Comment ne pas penser au mantra « oṃ maṇi padme hūṃ ». Padmé c’est la persévérance (pad) et la concentration (mé). Elle prend à plusieurs reprises les atours d’une princesse tibétaine ou mongole. Son nom lui aussi sonne tibétain, sans aucun doute. Dans une inversion (une autre) du départ d’Enée de Carthage, elle est assassinée par Anakin.

Regardons  l’ordre Jedi:
Maître Ioda : ce petit maître à des allures d’ET,  blasonne avec iota lettre grecque en majuscule I (bizarre) mais aussi petit comme dans l’expression un iota (3)

Obi-wan kenobi : jouons, O bee one key no bee . O est un, n’est ce pas la clef ? Jolie interrogation.

Abordons maintenant l’ordre Sith.
C’est ordre peut avoir deux référence, historique, confondues : les Scythes (anatoliens  VII- III av-JC) et les Pictes (Ecosse antiquité tardive) pour l’évocation de la vaillance et de coloration de ces guerriers. Dans tous les cas, des guerriers féroces.

A tout seigneur tout honneur le chancelier Palpatine.
Sith est une interrogation S (est ce ?) I, T (sur terre). C’est à dire, la Force, ou le côté obscur ? En fait le contraire de Leia.
Tous les siths ont un nom qui commence par Darth. Dart est la flèche en anglais à un h près (retenez ce H) !). Darth blasonne avec Dark et c’est ainsi que ce fut traduit en français. C’était donc bien le sens.
Palpatine est Dark Sidious ce qui blasonne avec insidious et vicious .
En effet derrière la pale patine se cache un sith et le pire de tous. Il faut voir le plan cinématographique ou, tel Hitler, le chancelier Palpatine convainc le sénat de lui donner les pleins pouvoirs.
Nous découvrons la dispositions en spirale du sénat dans un mouvement de camera qui développe le spirale vertigineusement, infernalement.
Gros plans sur Padmé vêtue en princesse tibétaine : « ainsi meurt la liberté, sous les applaudissements »

L’autre figure emblématique est Darth Vader (édition US) devenu Dark  Vador en français ce qui sonne mieux.
Vader est le père en néerlandais. Le père noir de Luke.
Encore jedi son nom était Anakin Skywalker.. Il épousa Padmé.
 Anakin peut s’entendre de deux façons, non contradictoires. An, (au travers ou traverse - latin) , Kin, (la famille-anglais) ou en blasonnant : il n’y en a qu’un. (« à marcher dans le ciel »)
Arraché à sa mère, puis traumatisé par la mort de celle ci, il est obsédé par la protection des siens. Il quitte l’enseignement d’ Obi-Wan Kenobi, qui lui refuse la maîtrise, pour s’adonner à celui de Palpatine qui lui promet de sauver sa famille en toutes circonstances, obtenir une puissance telle qu’il sera craint des dieux. La colère le consume comme Achille et rouge est le décor. (Achille rouge de colère contre Agamemnon, puis contre Hector)(4).
Il provoque la mort de Padmé, de ses propres mains en tentant de la sauver, et la conserver pour lui, dans une inversion du récit de la mort de Didon reine de Carthage de l’Enéïde (5).
Puis dans un combats, dantesque, contre Obi-Wan Kenobi, véritable descente aux enfers, la lave le consume littéralement, en commençant par ses tallons. Il survivra grâce à la technologie en devenant à l’instar de Frankenstein, un mécanique déshumanisée, véritable âme damnée de Darck Sidious.
Ultime moment de tragédie grecque et faustienne revisité par le transhummanisme.

L’iconographie symbolique

Je terminerais par une brève invocation des formes.
Les Aéronefs : Côte lumineux de la force, les chasseurs déploient leur ailles en X. Le khi (X) grec est symbole de la lumière. X signe les équinoxes dans d’autres symboles. Pour le cabbaliste : c’est Xot pour art xot ou got : l’art de lumière ou Art Royal.
Côté obscur les chasseurs sont de forme H exprimant la dualité.

Il faut aussi observer la diversité des formes humanoïdes des adversaires de l’empire ainsi que la beauté des vêtements qui déclinent ce que l’humanité a fait de meilleurs.
Alors que, l’empire est uniforme, mécanique, sans une seule femme, vert de gris, mais aussi noir, blanc, rouge comme le drapeau nazie.
Il en est de même des formes urbaine qui revisitent Venise, la renaissance, l’adobe malien, l’Art déco, cite la Place d’Espagne de Séville, et j’en oublie.
Tandis que le centre de l’empire, est la gigantesque lune noire, uniquement métallique.

***
Les récits mythiques avaient jusqu’au 20° siècle l’écrit, parfois la peinture (pour des scènes agiographique, ou de propagande), la forme symphonique de la musique, pour se transmettre.
Georges Lucas restera dans l’histoire pour avoir fait entrer le 7° art dans le récit héroïque et mythique, dans une composition totale, dont les images sont pour beaucoup dans sa puissance d’évocation. Mais ça, c’est difficile à transmettre à l’oral.
Je suis convaincu que cette œuvre fera date.

BL 06 mai 2016

(1) En fait les tentatives d’animation de l’image remonte aux grottes ornées.
(2) Nabû est le dieu de la sagesse et de l’écriture, de Babylone. Sa femme Tashmétum, préside à l’Akitu, fête des solstices.

(3)Du grec ancien ἰῶτα, iỗta. Le nom de cette lettre a été emprunté presque tel quel au nom qu’elle avait en phénicien (mais où elle transcrivait un autre son) :yo ; la finale en -a vient peut-être de  l’araméen
L’expression ne pas bouger d’un iota vient du premier concile de Nicée (325), où les nicéens soutenaient que le Fils de Dieu était ὁμοούσιος, homooúsios (« de même substance que Dieu »), alors que les (semi-)ariens soutenaient qu'il était ὁμοιούσιος, homoioúsios (« de substance semblable à Dieu ») (seul un iota distingue les deux mots).

(4)Durant la guerre de Troie le jeune Achille est découvert par Ulysse et rejoint, avec son ami Patrocle, l'expédition grecque. Lors de la dixième année du conflit, une querelle avec Agamemnon le pousse à quitter le combat : c'est la « colère d'Achille » chantée par l'Iliade. La mort de Patrocle le pousse à reprendre les armes pour affronter Hector, le meilleur des Troyens. Achille trouve la mort peu après l'avoir tué, atteint à la cheville par une flèche de Pâris guidée par le dieu Apollon.

(5) Lorsque Énée (l’Ulysse de Virgile) quitte Carthage, Didon, incapable de supporter cet abandon, préfère se donner la mort avec une épée qu'Énée lui avait laissée.